Pratiques inspirantes : échange avec Jean-Baptiste Civet

Publié 27/06/2021 par Marthe Pariset

Jean-Baptiste

Jean-Baptiste est professeur de mathématiques au collège du Roy d'Espagne à Marseille et formateur académique et enseignant formateur T3 *. Passionné par la robotique et les nouvelles technologies, on aurait pu imaginer qu’il sauterait devant sa caméra pour exceller en stand-up enseignant à distance, pourtant ce n’est pas la voie qu’il a choisie.

Au contraire même : au cœur de la foultitude de ressources, il s’est attelé à s’y retrouver, pour mieux y retrouver les élèves.

Q : Trop de ressources tuent la ressource, c’est bien ça ?

Lors du 1er confinement, énormément de banques de ressources numériques ont ouvert massivement leurs ressources gratuitement, pour aider parents et enseignants dans ce contexte si nouveau. C’était louable, mais on l’a constaté : cela n’a pas marché. Leur scénario pédagogique, leur contexte d’usage, est spécifique à leur environnement.

Pourquoi ? Parce que seul l’enseignant est capable d’identifier la difficulté de l’élève précisément. Sa recommandation sur le choix des ressources est indispensable et passe par la réalisation du diagnostic : « qu’est ce qui bloque l’élève ? ».

Concrètement, l’élève en difficulté sur les fractions peut connaître les règles particulières des fractions, - par exemple qu’il faut un dénominateur commun pour les additionner -, mais ne rien trouver d’utile dans une vidéo qui rappelle les règles si son problème vient du cas particulier d’un nombre entier avec une fraction, où il faut d’abord passer le nombre entier en fraction pour effectuer l’opération.

De fait, le distanciel a fait exploser le besoin en ressources car il a permis de distinguer là où il en manquait et celles qui ne convenaient pas. Je pense en particulier aux ressources figées : l’enseignant a besoin de formats modifiables, ajustables à ses besoins, exportables.

Sans être producteurs de ressources, il y a quelque chose qui appartiendra toujours à l’enseignant, c’est l’avancée pédagogique : c’est lui qui donne le rythme et qui choisit les ressources et les moments de mise à disposition. C’est pourquoi les parcours packagés en ligne, la plupart du temps, ne conviennent pas à l’enseignant, qui seul connaît sa classe.

Q : Finalement ce que tu nous dis, c’est le rôle déterminant de l’enseignant dans l’enseignement à distance qui est reconnu. Comment as-tu agi pour tes propres classes ?

J’ai cherché à sélectionner les ressources, mais aussi les outils et interfaces, car la multiplicité de ces derniers complique encore plus la vie des élèves. J’utilise notre plateforme académique de e-learning, Chamilo (ENT), en passant par Pronote, qui est notre porte d’entrée principale pour ensuite orienter vers Chamilo.

J’alimente la plateforme de cours, j’encapsule les ressources dans des parcours, y compris les exercices et leurs corrections, qui peuvent être aussi des ressources vidéo vidéo (réalisées avec l’aide du logiciel TI-SmartView™ pour TI-Collège Plus Solaire), encapsulées. Typiquement, j’aime bien créer des corrections sur des PowerPoint animés et commentés.

J’y souligne les points importants pour le raisonnement (par exemple l’étape du nombre entier en fraction) et l’élève peut faire « pause » quand il veut : ce qui n’est pas le cas en classe !

Il m’arrive aussi d’encapsuler les versions en ligne de feuilles de calcul, de Scratch etc. : l’important est de tout concentrer au même endroit.

Q : Du coup, doit-on comprendre que tu ne fais pas du tout de visio avec tes élèves ?

Le cours en visio n’est pas des cours descendants : le cours magistral n’est pas adapté à la visio, il y a un problème de rythme. Il sert davantage pour répondre aux questions de quelques élèves qui n’ont pas compris. Je dédie la visio à l’échange et aux questions.

Q : Tu disposais déjà de Chamilo avant les confinements. Qu’est ce qui a changé ?

Plateforme de e-learning Chamilo
Plateforme de e-learning Chamilo

Chamilo n’était pas vraiment utilisé avant. Je l’utilisais, mais c’était compliqué d’en expliquer l’utilité aux élèves, qui ne voyaient pas pourquoi y avoir recours. Le distanciel les a forcés à s’en emparer et ils ont plus compris l’intérêt de la plateforme de e-learning et notamment du fait d’avoir toutes les ressources au même endroit.

Certes, nous n’avons toujours pas des taux de connexion délirants, mais cela a gagné en justification et en intérêt. Le bénéfice est plus connu. C’est aussi valable côté enseignants, même si c’est lent.

Derrière cela, en sous-jacent, il y a la question du pilotage du numérique dans un établissement donné : faire des choix COMMUNS d’outils (qui ne sont pas forcément des freins à la liberté pédagogique) de visio conférence, de transmission d’outils aux élèves, de contact entre élèves et enseignants, de rendu etc.

Q : On déconfine et tout le monde espère le retour « à la vie normale ». Que retiens-tu finalement de cette expérience ?

Tout d’abord, cette expérience a vraiment permis de mettre en avant l’intérêt des plateformes de elearning. Personnellement, cela fait plusieurs années que je m’en sers. Pour la première fois cette année, je n’ai pas été obligé de convaincre : c’est une vraie plus-value.

Ensuite, j’ai vraiment pu constater l’intérêt de la création de ces « capsules vidéo » (PowerPoint ou autre). Cela a été vraiment bénéfique pour les élèves. Je vais garder cette pratique, notamment les corrections au tableau, pour gérer la mémoire des activités de la classe. C’est souvent ce dont les élèves manquent en présentiel : de pouvoir se passer le replay de tous ces commentaires que l’on donne à l’oral en classe !

Exemple de capsule
Exemple de capsule vidéo

Enfin, je crois que cela a définitivement permis d’intégrer les outils techniques de communication prof/élèves dans la vie des profs. Et ça, c’est vraiment intéressant !

 

*Jean-Baptiste est également créateur de contenus pour T3 et Texas Instruments :
il est auteur de plusieurs ouvrages crées en partenariat avec Eyrolles dont le dernier
« Algorithmique et programmation en Python ».